LA CARTE DU TENDRE



« Le principe de toutes choses est la Monade. De la Monade et de la Dyade indéfinie viennent les nombres, des nombres les points, des points les lignes, des lignes les figures planes, des figures planes les figures solides, des solides les corps sensibles, dont les Éléments sont au nombre de quatre : Feu, Eau, Terre, Air. »



Diogène Laerce

La peinture a cette faculté, parfois, d'outrepasser les bornes du langage et de nous mettre en présence d'une réalité d'ordre supérieur. Paysage d'âme ou géologie des affects, sa matière nous force à parler en poète; à user d'analogies et de métaphores pour nous approcher de son mystère. Voilà, du moins, le geste que nous invite à faire les fresques lyrico-abstraites de Catherine Nicolas.

Véritables monades, ces figures minérales à l'unité discrète nous projettent au coeur d'un monde sans porte ni fenêtre – d'un monde où le principe de toute chose ne repose plus sur quelques qualités stables (sur des données concrètes), mais sur une sorte de principe énergétique – de désir mouvant. Kata dunamin disaient les grecs. Le monde du devenir n'a de sens que pour autant qu'il exprime une force. Autrement dit, qu'il devient la mise en forme d'une puissance.

Mais quelle est cette puissance qui hante les fresques de Catherine Nicolas ? Serait-ce plutôt du côté des présocratiques que se tient leur mystère (du côté de l'air, de l'eau et du feu), ou bien de celui, plus obscur, mais plus actuel aussi, de la psychanalyse et de ses divagations sur Eros ? Une chose est sûre, en ayant choisi d'exprimer ses conflits intérieurs à l'aide de modules de couleurs, Catherine Nicolas est parvenue à nous mettre sous les yeux ce qu'il y a de plus essentiel dans le coeur de l'homme. A savoir : ses émotions ou, comme aurait pu le dire Lacan : sa carte du tendre.

Frédéric-Charles Baitinger
Journaliste, philosophe et critique pour Artension et Artpointfrance